Attentive à chaque bruit de la nuit, Maud n'avait pas fermé l’œil une seule seconde. Son esprit embué par la fatigue et l'angoisse intimait à son corps l'ordre de rester en éveil, quoi qu'il arrive, tant qu'elle ignorerait le sort réservé à Luc. Allait-on le retrouver vivant ? Blessé ? Sain et sauf ? Et quand ? Cette farandole d'idées sombres la maintenait hors du repos salvateur. Elle espérait vaguement que tout ne fût qu'un odieux cauchemar, qu'elle se réveillerait au matin, au côté de Luc, qu'ils prendraient la voiture pour partir en vacances et qu'ils passeraient un délicieux séjour, tous ensemble. Oui, un odieux cauchemar. Elle devait être en train de dormir, sans aucun doute. Elle ne parvenait pas à imaginer qu'il en fût autrement. Un événement si affreux n'avait pas pu se produire. Le réveil sonnerait et la tirerait de là.
Elle avait toujours plus ou moins cru qu'il était impossible de rêver que l'on dormait. Et elle s'appuyait sur cette certitude pour conjurer l'horrible réalité. Tant qu'elle ne céderait pas aux bras de Morphée, cette situation pouvait encore n'être qu'un mauvais rêve cruel. Tant qu'elle ne dormirait pas, Luc demeurerait sain et sauf... Sur cette pensée, succombant à l'épuisement, elle s'endormit dans un sommeil tendu et furtif.
La sonnerie d'un téléphone la réveilla en sursaut. Il lui semblait émerger d'un puits profond et sans fond. Néanmoins les premières secondes de conscience la firent replonger au coeur de son angoisse. Luc avait disparu. Le téléphone, c'était celui de l'inspecteur Liget, à proximité, dans le salon, de l'autre côté de la cloison. Et dans une poignée de secondes, il viendrait peut-être lui annoncer une nouvelle impossible à imaginer. Son coeur se serra. La respiration coupée, elle essaya d'écouter la conversation. Elle aurait souhaité se lever, ouvrir la porte, observer le commissaire, percevoir la moindre de ses paroles, mais la crainte de ce qu'elle pourrait apprendre la figeait. Ses muscles refusaientde lui obéir. La terreur la paralysait.