La soupe du bonheur
CONTES
© Corynn THYMEUR 
Il était une fois un roi qui régnait sur un royaume magnifique, orné par des forêts centenaires où dormaient des arbres majestueux. Il y avait aussi des plaines riches avec des grandes vagues blondes de blé dansant sous le soleil, des fleuves tout bleu dans lesquels le ciel se reflétait, des rivières chantantes et scintillantes comme des gouttes de diamants, et des jolis poissons argentés qui y dansaient. 
 
Cette belle plaine s'étendait au pied d'une petite colline et c'est sur celle-ci qu'était perché le château du roi et de la reine, son épouse. 
 
Le roi regardait souvent ce paysage de rêve du haut de ses tours, mais il n'était pas heureux. Car si son pays était un des plus beaux du monde, il était l'écrin d'un village habité par les gens les plus égoïstes et les plus tristes du monde. Ils n'aimaient personne, qu'eux même, et ils n'aidaient personne, même si de pauvres gens en avaient besoin. 
 
Et le bon roi regardait son pays et se désespérait. Comment faire pour faire oublier à ses villageois leur égoïsme et leur tristesse, et faire entrer dans leur cœur un peu d'amour ? 
 
Un beau jour, la reine mit au monde une très jolie petite princesse que l'on baptisa Eurielle. Il vint alors une idée au roi qui déclara que celui qui épousera sa fille devra d'abord apprendre le rire et l'amour à son peuple. 
 
Mais la princesse grandissait et aucun jeune homme ne parvint à changer le vilain cœur des villageois. Le bon roi commençait à perdre espoir et la gentille Eurielle désespérait de pouvoir se marier un jour. 
 
Elle alla se promener le long de la rivière qui coulait au pied du château et elle pleura. Ses larmes, en tombant dans l'eau, alarmèrent les poissons argentés, et le roi des poissons qui avait le pouvoir de la parole, demanda à la jolie Eurielle : 
 
- Qu'as-tu, petite princesse, à grossir de tes larmes l'eau de la rivière ? Es-tu donc si malheureuse ? 
 
- Hélas, noble sire poisson, ce n'est pas tant sur moi que je pleure, mais sur le peuple de mon père qui refuse la joie d'aimer. 
 
- Personne n'a donc essayé de changer leur cœur ? 
 
- Si fait, noble sire poisson, mais rien ni personne n'a trouvé la solution pour leur faire connaître l'amour et le rire. 
 
- Ainsi, petite princesse, c'est pour le bonheur des villageois que tu pleures, même si leur égoïsme t'interdit tout mariage ! 
 
- Sire poisson, si le bonheur de mon père et celui de son peuple doit se faire au détriment du mien, alors je serais heureuse d'offrir mon bonheur pour mes parents et pour les villageois. 
 
Le roi poisson reconnut là un complet don d'elle même que faisait la jolie princesse, ce qui prouvait son grand coeur et l'amour qui y était enfermé. Il consola la jeune fille et il nagea, nagea, toute une journée et toute une nuit. Il traversa de nombreux royaumes et arriva enfin dans le pays d'un jeune et beau prince de ses amis qui s'appelait Aymard. Il lui raconta la bonté et la beauté de la princesse Eurielle et l'égoïsme des villageois. 
 
Devant tant de gentillesse, le prince Aymard se sentit devenir amoureux car il était lui même un homme de grand cœur. Il décida de partir sur-le-champ pour obtenir la main de la jolie princesse. 
 
Chemin faisant, il ramassa quelques beaux légumes sauvages qui poussaient par là, et arrivé dans le village du père de la princesse Eurielle, il fit un feu sur la place, y posa la marmite qu'il avait pris soin d'emmener, et commença à faire cuire une bonne soupe qui sentait très bon, si bon même que l'odeur entra dans les maisons des villageois. 
 
Ceux-ci étaient tristes, ils étaient égoïstes, ils n'étaient pas partageurs, mais ils aimaient bien profiter sur les étrangers, aussi ils sortirent un par un et s'approchèrent du jeune prince. 
 
- Dites-moi, monsieur, votre soupe a l'air bien bonne, j'en prendrais bien un peu. 
 
- Hélas, ma bonne dame, répondit le prince, elle n'est réellement bonne que s'il y a un bon gâteau à la fin, et je n'en ai pas ! 
 
La villageoise, qui voulait de la soupe, répondit aussitôt : 
 
- Oh, mais j'ai des gâteaux chez moi, je vais les chercher et nous partagerons la soupe et les gâteaux à mon retour ! 
 
À peine la villageoise partit qu'un petit vieux s'approcha. 
 
- Dites-moi, monsieur, votre soupe a l'air bien bonne, j'en prendrais bien un peu. 
 
- Hélas, mon brave monsieur, répondit le prince, elle n'est réellement bonne que s'il y a de la musique pour l'écouter en même temps qu'on la mange, et je n'ai pas d'instrument ! 
 
Le petit vieux, qui voulait de la soupe, répondit aussitôt : 
 
- Oh, mais j'ai un violon chez moi, je vais le chercher et nous partagerons la soupe et la musique à mon retour ! 
 
Et il s'en fut à son tour, aussitôt remplacé par un autre villageois, et puis un autre, et encore un autre, et ainsi de suite jusqu'à ce que tout le village ait défilé devant le prince. 
 
Quand la soupe fut fin prête, tous les villageois arrivèrent en même temps sur la place, qui avec des gâteaux, qui avec du vin, qui avec des instruments de musique, de la limonade, des fruits, des pains d'épices, des bonbons, des confettis, des serpentins, des chansons, des pas de danse et plein de choses encore. Ils étaient tout étonnés de se retrouver ensemble, eux qui ne se réunissaient jamais. Et quand la musique commença à joyeusement résonner à leurs oreilles, quand ils commencèrent à boire le vin, la limonade, et à manger la soupe et les bons desserts, alors ils se mirent à parler, à chanter et à rire. 
 
Le roi fut vite appelé pour qu'il puisse profiter de la joie de ses villageois, et à la fin de la fête, il y avait encore tellement à manger que les villageois décidèrent de donner ce qui restait aux pauvres qui passaient parfois et auxquels ils ne donnaient jamais rien avant. 
 
 
Ils venaient de comprendre le bonheur qu'on a de partager sa joie, sa gaieté et un peu de son bien avec les autres. Ils décidèrent de faire une grande fête comme celle qu'ils venaient de vivre, toutes les semaines, pour rire et partager leurs bonheurs entre eux. 
 
Comme promis, le bon roi présenta la princesse Eurielle au prince Aymard. Elle était si douce et si belle, il était si bon et si beau qu'ils tombèrent amoureux tout de suite l'un de l'autre. 
 
On fit une grande fête avec beaucoup de rire, d'amour et de bonheur en l'occasion de leur mariage. 
 
Ils vécurent très heureux, très longtemps, et eurent beaucoup d'enfants.