Le 26 décembre 1895, le vapeur " Black Witch " s'approchait de l'île de " Clifford Island ", pour y amener du courrier, des journaux et des vivres. Cela était destiné aux trois gardiens restant, se trouvant là pour allumer le puissant phare, qui permettait aux navires naviguant dans cette portion de l'Atlantique Nord, de ne pas se fracasser sur les rochers de la côte écossaise.
À son bord, également, John Mac Candlless, qui allait relever un de ses compagnons. C'était ainsi chaque semaine. La tempête des quatre derniers jours avait été furieuse et avait empêché l'abordage du navire. Mais maintenant, tout cela n'était que mauvais souvenirs.
Bientôt, le " Black Witch ", se ragea contre le petit quai et Mac Candless sauta à terre, suivi du capitaine Walkins, du second Trenton et de quelques membres d'équipage.
- Bizarre, fit le commandant, personne pour venir nous voir, ils ont bien dû nous apercevoir.
- En effet, répondit le second.
Les trois hommes se dirigèrent vers le phare dont la majestueuse hauteur les impressionna un instant. Puis, le devoir reprenant le dessus, ils entrèrent dans le bâtiment. Il n'y avait personne dans la pièce du bas et malgré leurs appels, nul ne leur répondit. Ils montèrent dans la tour, en inspectant tout ce qui était possible, mais rien ne leur sauta aux yeux. En haut, la plate-forme était vide.
- Mais où ont-ils pu passer ? lança le second.
- Tout était-il en ordre lorsque vous êtes parti ? interrogea la capitaine.
- Sans problème, répondit Mac Candless. Mes collègues m'ont dit " au revoir " comme d'habitude. Je n'ai rien remarqué de spécial.
- Tout de même, ils sont bien quelque part.
- Cherchons.
L'équipage avait fini le déchargement des affaires et attendait les ordres. Sur l'injonction du commandant, tout le monde se mit à la recherche des trois marins, ce qui était facile car l'île n'était qu'un rocher de cinq-cents mètres carrés. C'était une sorte de plate-forme, avec des falaises dominant l'océan d'environ vingt mètres. Sauf au petit endroit où on avait aménagé le quai.
Une heure plus tard, il fallut se rendre à l'évidence, les trois gardiens, Meadows, Fairbanks et Douglas avaient disparus.
- Quelle tragédie a frappé cette île ? demanda Mac Candless. J'ai remarqué que les cirés et les bottes de mes collègues sont introuvables. Ce qui signifie qu'ils sont partis avec. Mais où ?
- Certains assurent que l'île est hantée, répondit Trenton.
- Allons, contes de vieilles femmes, assura Walkins. À l'heure de l'électricité et du télégraphe, ceci n'est plus de mise !
- Que sait-on des mystères de la mer ? interrogea Mac Candless.
- Le journal de bord, lâcha soudain Trenton.
- Vous avez raison, au phare.
Tous se mirent à courir pour atteindre le bâtiment. Le temps de le fouiller de fond en comble et ils trouvèrent rapidement le livre de bord.
- On va enfin savoir, dit Mac Candless.
Et il se mit à lire :
20 décembre 1895. Tempête du nord, vent furieux, mer démontée. Lames très hautes, Meadows est irascible.
Les trois hommes se regardèrent étonnés.
- Le 20 décembre, dit Mac Candless ? Il n'y avait pas de tempête, c'était le lendemain de notre retour du phare. Se peut-il qu'une tempête ici, soit passée inaperçue sur le continent ? il n'est qu'a dix miles d'ici et j'ai scruté la mer tous les jours.
- Je ne me souviens pas en effet d'une tempête il y a une semaine, répondit Walkins. Nous sommes sortis avec une mer d'huile.
- De plus ,enchaina MacCandless, je connais Meadows, il est toujours d'excellente humeur. Continuons.
20 decembre 1895, il est minuit, la tempête fait toujours rage. Meadows tranquille, Douglas pleure.
- Douglas qui pleure, s'étonna le second ? Je le connais, il s'est battu toute sa vie dans tous les ports du monde, c'est un dur, un vrai. Et il pleure ? Incroyable !
- Je ne sais que dire, répondit Walkins. Continuez, Mac Candless.
21 décembre 1895, la tempête a duré toute la nuit. Meadows est tranquille, Douglas prie.
- Il pleurait la veille et priait ce jour-là ? s'interrogea MacCandles.
22 décembre. Journée grise, Meadows, Douglas et moi, prions.
- Je ne les ai jamais vus prier, déclara MacCandless. Ce n'est pas possible.
24 décembre 1895, 13 heures tempête terminée, mer calme, Dieu est partout.
- C'est fini, dit le gardien de phare, il n'y a plus rien.
Tout le monde baissa la tête sans rien trouver à répondre.
- Mais que peut signifier " Dieu est partout " ? interrogea Walkins.
Les deux autres firent la moue, signifiant qu'ils ne comprenaient rien à la formule. Ils finirent par sortir du phare. Les hommes d'équipages les attendaient un peu inquiet. En quelques mots, ils furent mis au courant de la situation et le capitaine demanda si quelqu'un avait une idée pour résoudre l'énigme.
- Ils ne peuvent avoir été victime de la tempête supposée du 20 décembre puisque celle-ci était calmée, déclara MacCandless. Je les connaissais, c'était d'excellents marins et ils ne seraient jamais sortis du phare avec un temps pareil.
- Cela veut dire qu'ils ont disparus alors que le temps était au beau, répondit Walkins. Comment trois hommes peuvent-ils disparaitre par beau temps, comme ça. Si l'un était tombé à la mer, je peux le comprendre, mais tous les trois ! C'est du délire.
- Et cette expression, " Dieu est partout " ? Qu'ont-ils vu ?
Le second réfléchissait fiévreusement. Il secoua la tête et dit :
- J'ai une hypothèse. Le rédacteur du journal, Fairbanks a du devenir fou. La tempête a seulement soufflé dans son crâne. D'où l'inscription de celle-ci, alors qu'on sait qu'il n'y avait rien.
- Continuez, intima Walkins.
- Il a assassiné Meadows, qui s'irritait de ses sautes d'humeur, et ce sans effusion de sang, car on n'en a pas retrouvé trace, d'où la mention " Meadows tranquille, Douglas pleure. ". Ensuite, avec " Meadows est tranquille, Douglas prie ", il indique que Douglas prie pour le mort, qui est effectivement tranquille puisqu'il ne bouge plus. Après, avec " Meadows, Douglas et moi, prions ", les deux vivants prient pour le mort qui a les mains jointes et qui donc semble prier lui aussi.
- Fairbanks, dans sa folie, ajouta Mac Candless, n'a pas compris que Meadows était mort. Il l'a pris pour quelqu'un en train de prier allongé.
- Enfin, avec l'expression, " Dieu est partout ", ils ont décidé en bons marins de confier le corps à la mer, car il est impossible de l'enterrer ici, vu qu'il n'y a que du rocher. Donc la dépouille mortelle sera reçue par Dieu, car il est partout. Dans la descente du corps à la mer, ils ont dû glisser et tomber tous les trois. Cela explique l'absence des cirés et des bottes.
Un silence s'abattit sur le personnel à l'issue de cette conclusion. L'hypothèse semblait juste. En tous cas, elle était rassurante. Plus de mystère, plus d'ile hantée, ni de " contes de vieilles femmes ", à l'heure de l'électricité.
- Bravo, déclara MacCandless, nous avons percé l'énigme du phare maudit.
Ces mots résonnaient encore à l'oreille de l'assemblée qu'un formidable bruit de vague se fit entendre. Tous se retournèrent et virent une carapace métallique surgir de l'eau et courant parallèlement à l'ile, se mettre en mouvements. La surface paraissait écailleuse et ne ressemblait absolument pas aux premiers sous-marins mis en chantier de par le monde, car la coque de ceux-ci était lisse. Ce n'était manifestement pas vivant, car deux puissants feux bleus qui semblaient électriques se trouvaient à chaque extrémité de la chose. L'engin fit le tour de l'ile et finit par prendre le large dans l'immensité de l'Atlantique.
- J'avais presque fait mienne votre hypothèse, déclara Walkins à son second.
Terrifiés, les trois hommes se regardèrent e