La flotte de vengeance
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© Jean-François COUBAU
- Où en est-on ? 
- La flotte est déployée, amiral ! 
- Et les cibles ? 
- Elles sont verrouillées. 
- Ordonnez l'ouverture du feu. 
- FEU ! 
Très haut dans le ciel, les lasers à hautes énergies ont craché la Mort ! En dessous, sur la planète Terre, les humains ont subi le " feu du ciel ".  
Par centaines, les vaisseaux spatiaux extra-terrestres ont commencé le pilonnage. D'abord les installations militaires, puis les villes. Par millions, les hommes ont péri, par le fer et par le feu. C'est la fin de l'Humanité. De la brillante civilisation humaine, il ne reste rien ou presque. Paris, la ville lumière, gît broyée, sur le sol. Rome est ses vingt-cinq siècles d'Histoire ne sont plus qu'un souvenir. Les Pyramides sont rasées. La Cité interdite de Pékin n'existe plus. La Japon n'est plus qu'un seul incendie gigantesque, tandis que l'Afrique compte ses habitants sur les doigts d'une main, ou presque. 
La population humaine est réduite à environ deux millions d'individus errants à moitié fous, dans les ruines des grandes villes. 
Pourquoi les Aliens ont-ils fait ça ?  
Personne ne le sait. 
Et qui s'en soucie ? 
Alors ?  
Que faire ?  
 
                                                                                * 
 
 
Quelque mois plus tard, dans ce qui reste du Caltech ( California Institute of Technology ), le professeur Harrisson, explique devant un milliers d'étudiants et de dirigeants politiques, venus du monde entier, comment la civilisation humaine pourrait repartir. Il prend la parole : 
- Mesdames, messieurs, l'agression extra-terrestre fut aussi brutale qu'imprévisible. Nos moyens de défense n'ont pu jouer, surtout les armes nucléaires, car les aliens ont dématérialisé à distance, la matière fissile contenue dans nos missiles. Dès lors, seules les armes conventionnelles furent en lice. Elles abattirent, hélas, trop peu d'engins ennemis pour faire cesser l'attaque. On suppose que le but de l'agression était de s'emparer de tout notre stock d'uranium, car les mines ont été " vidées " de la même manière. Résultat, nous ne pourrons plus fabriquer d'arme nucléaire. De plus, la plupart des savants ont été tués.  
Il prit un temps et ajouta : 
- Certains seront satisfaits de cette situation. Je ne prendrai pas position sur le problème, ce n'est pas l'objet de cette conférence. Mais il va falloir que l'humanité apprenne à se passer de cette source d'énergie. Mais le but de notre réunion n'est pas de gloser à l'infini sur les bienfaits ou les méfaits de l'énergie atomique, mais de préparer la remontée de l'Humanité vers le progrès. On pourrait croire que celle-ci sera longue, mais vous allez voir qu'il n'en est rien. 
La discussion se prolongea fort tard. Tout à tour, des représentants de nations, des religieux, des militaires, des savants, des étudiants et des chefs d'entreprises exposèrent leurs point de vue sur la situation de la civilisation humaine. Si quelques divergences se firent jour, tous firent d'accord pour remonter la pente de la civilisation et venger l'odieuse agression dont la Terre avait été victime.  
Dès lors, l'encadrement de la population " mondialisée " plus ou moins contre son gré, commença. La doctrine en vigueur fut de faire beaucoup d'enfants pour assurer l'avenir. Les deux millions de survivants, à raison de huit enfants par femmes, furent rapidement quarante millions d'humains, puis deux cent millions à la génération suivante. Les traitements contre l'infertilité avaient été mis en place d'une manière obligatoire. Quelques " féministes " essayèrent bien de protester, mais furent vite " convaincues " du contraire. C'était le prix à payer pour " remonter " la pente de la civilisation. 
La deuxième obligation, fut de rationaliser la production agricole pour assurer à tous une alimentation substantielle. Ici, la vieille lutte entre le " capitalisme " et le " communisme ", perdit de son acuité. La règle fut que tout le monde mange à sa faim, avec distribution et sans notion de vente ou de bénéfice. 
Mais surtout, le gouvernement mondial, engagea les esprits dans ce qui fallait bien appeler un lavage de cerveau. Le seul but de l'humanité état de se venger et de faire payer le plus cher possible leur forfaiture aux aliens. Tout fut donc mobilisé dans ce sens. C'était le retour à la plus abominable dictature.  
Parallèlement à ça, le niveau d'étude remontait rapidement. Les rares appareils extra-terrestres avaient été récupérés et démontés. On avait eu du mal à en comprendre le fonctionnement, mais finalement, on avait réussi à les copier, puis à les perfectionner.  
Ca et là, des chantiers astro-navals voyaient le jour et fabriquaient par dizaines, d'énormes vaisseaux de combats, composants ce qu'on appelait alors, " la flotte de vengeance ". Car le but ultime de cette humanité était de retrouver la civilisation coupable de l'agression et de lui rendre la pareille !  
Quelques esprits éclairés faisaient remarquer que ceci ne servirait à rien. Il valait mieux passer à autre chose et faire de l'expansion dans l'espace, une croisade pacifique pour promouvoir l'entente entre les espèces. Ils ne furent pas entendus et si on ne les fusilla pas, c'est que malgré les épreuves, les hommes avaient encore un peu de bonté et de sagesse. D'autres firent remarquer à juste titre qu'agresser une civilisation pouvait mal tourner, et que si on tombait sur plus fort que soi, cela pourrait signifier la fin pure et simple de l'Homme. Mais les dirigeants, appuyés sur un peuple réceptif aux injonctions simples, n'écoutèrent pas. 
 
 
                                                                                  * 
 
 
 
Trois cent ans après la conférence historique du professeur Harrisson, l'humanité était théoriquement prête à repartir de l'avant. La population atteignait le milliard, les différences de races, de couleurs de peau étaient fortement atténuées et l'espéranto avait été choisi comme langue de travail.  
Et le grand jour été enfin arrivé ! La flotte de vengeance était prête à prendre l'espace. Grâce aux vols spatiaux de reconnaissance, on avait pu déterminer où se trouvait la civilisation extra-terrestre. On ne l'avait pas étudié car il ne fallait pas se faire repérer. 
Le plan était d'une simplicité effarante. La flotte devait débouler de l'hyper-espace et écraser la planète-mère sous un déluge de feu, exactement comme l'avait fait les aliens pour la Terre. L'ensemble comprenait six-cent vaisseaux de combat, avec des cuirassés et des croiseurs. Il y avait en plus presque mille transports de troupes, destinés à débarquer des troupes aux sol, plus les transport de matériels et les spatiaux-navires hôpitaux. L'ensemble était commandé par le commodore Rama Singh, assisté du commandeur John Kleeman.  
La translation hyper-spatiale arriva à son terme et la flotte déboucha en orbite basse. 
- Branchez les télévisioneurs, ordonna Singh. 
Ces appareils permettaient de voir à distance sans caméra sur place. Ne disposant pas de cartes de la planète, il fallait repérer les cibles avant de les pilonner. Les opérateurs, concentrés sur leurs écrans cherchèrent en vain, les villes, que l'on supposait exister à la surface. Et soudain, un des hommes appela : 
- Sir, il n'y a pas de ville apparaissant sur mon écran. 
- Moi aussi, lança un autre. 
Et ce fut le tollé. Tout le monde dit pareil, il n'y avait pas d'agglomération visible à la surface de la planète. 
- Mais comment est-ce possible, lâcha Kleeman. Les aliens sont-ils une race troglodytes ? 
Mais Singh secoua la tête.  
- Ce n'est pas concevable, j'espère qu'on ne s'est pas trompé de planète.  
- Impossible sir. 
- Alors, l'explication. 
Soudain, un opérateur appela. 
- Par ici, j'ai quelque chose.  
Les officiers se précipitèrent sur les écrans et regardèrent. Le spectacle les stupéfia. On distinguait un village préhistorique avec ça et là, quelques hommes vêtus de peaux de bêtes, qui courraient dans l'herbe. Nulle trace d'agglomérations comme on pouvait s'y attendre.  
- Mais comment est-ce possible ? dit Kleeman. Ce ne sont tout de même pas ces sauvages qui ont pilotés les vaisseaux spatiaux et qui ont détruit notre civilisation il y a trois cent ans ?  
- Est-ce qu'il y aurait une autre civilisation, voire une autre espèce beaucoup plus avancée sur cette planète ? s'interrogea Singh. 
- Ordre à tous les vaisseaux de balayer la surface de ce monde. 
Aussitôt, les instructions furent envoyées au reste de la flotte. Mais de partout, revenaient les mêmes informations. La civilisation semblait s'être arrêtée au néolithique ! 
- Rien, répéta Singh. Où sont donc nos agresseurs ? Ceux capables de voyager dans le cosmos ? 
- Je crois que j'ai la réponse, dit Kleeman. 
Tous les officiers d'état-major se tournèrent vers lui et le dévisagèrent. - C'est aussi simple que ça. Nos aliens sont devant nous. Ils ont simplement régressé à l'état sauvage, depuis que nous sommes passés à l'âge des étoiles. Qu'a-t-il pu se passer ? Nous n'en saurons probablement jamais rien. Peut-être se sont ils autodétruit suite à une guerre, certainement inutile. La puissance de feu a dépassé leurs prévisions et tout a été anéanti. Alors, il leur reste la lourde tâche de remonter la pente de la civilisation, en espérant qu'ils auront plus de sagesse que la première fois. Nous ne pouvons que faire demi-tour car nous en prendre à eux serait de la dernière imbécillité. Ils ne savent plus ce qu'est un vaisseaux spatial et ils ont du perdre le souvenir l'agression qu'ils nous ont infligés. 
Tout le monde avait écouté le récit et le mot de la fin revint au commodore Singh. 
- Et bien, je croix que nous avons là, la parfait illustration de l'inutilité de la guerre et la vengeance. Puisse l'humanité en méditer les leçons et en tirer les conséquences pour son évolution future !