Le fil qui chante
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© Jean-François COUBAU
- " Lieutenant Michael T Donovan, la cour martiale vous condamne à la dégradation et à être chassé de l'armée des Etats-Unis d'Amérique. Vous êtes déclaré coupable d'avoir outrepassé vos pouvoirs et prérogatives, d'avoir causé la mort de cinq hommes et d'avoir failli déclencher une guerre. Vous serez donc dégradé demain en présence de tout le régiment comme l'exige la tradition. La cause est entendue et la séance est levée ". 
 
Ainsi résonna ce terrible verdict, le 5 mars 1871, à Fort-O'Bannon appartenant à la cavalerie américaine. A son énoncé, le jeune lieutenant baissa la tête et serra les dents. Sa vie s'envolait, se brisait. Il s'était engagé comme simple cavalier à 17 ans, avait pris des risques au cours des innombrables batailles et accrochages contre les tribus indiennes et avait enfin réussi à atteindre ce grade. 
 
Il revoyait aussi les derniers moments de son existence pour lesquels il était ici. L'autre lieutenant, Mitchell, qui ne l'aimait pas avait commandé une patrouille. Voulant faire du zèle et obtenir un avancement rapide, il avait provoqué une tribu indienne. Celle-ci avait attaqué la formation et l'avait assiégé. Mitchell avait envoyé une estafette pour demander du secours à Fort-O'Bannon. Donovan était donc parti avec une autre unité. Rejoignant les soldats encerclés, ses hommes avaient eu raison des Indiens au prix de cinq cavaliers tués et de six autres blessés. Mitchell était donc coupable mais comme il était le fils d'un politicien très en vue de Washington, on avait étouffé le scandale. On avait fait retomber la faute sur Donovan et le tribunal avait tranché. 
 
Le lendemain, le sergent MacCall avait arraché les épaulettes, brisé le sabre, enlevé l'insigne sur le chapeau et retiré les éperons. Puis passant entre les soldats tournant le dos - la garde du déshonneur -, Donovan avait quitté le fort dans un silence impressionnant. Un jeune homme de sa connaissance lui avait amené une mule et il était parti le regard droit et ferme, méditant déjà sa vengeance. 
 
Il avait pensé tuer Mitchell mais avait vite renoncé à ce projet. Ceci ne lui apporterait rien sinon la corde. Mettre le feu aux quartiers ? À quoi bon ? L'incendie serait vite maîtrisé. Aller vers une tribu indienne et lui indiquer comment attaquer le fort ? Des hommes innocents mourraient pour rien et il risquait de se faire scalper. Alors ? 
 
                                                                               * 
 
Six mois plus tard, Donovan avait trouvé du travail chez un pharmacien de Pluum-Creek, petite ville aux confins du Névada et du Nouveau-Méxique. Il apprenait vite et son patron était content de lui. Mais cela ne le satisfaisait pas. Finalement, il partit et se fit donc cow-boy. Pouvoir remonter à cheval lui faisait du bien. L'ex lieutenant vouait une haine implacable au gouvernement U.S. et élaborait sans cesse des plans pour se venger. Mais il ne voyait pas comment s'y prendre. 
 
Au bout de trois mois de travail, Donovan prit congé de son patron. Celui-ci lui paya ses jours de présence et comme il avait compris que ce jeune homme était tourmenté, on lui avait remis une somme d'argent supplémentaire assez rondelette. L'ex officier partit donc le cœur doublement joyeux car il avait enfin mis au point son plan pour se venger du gouvernement. Un certain temps serait nécessaire pour l'exécuter mais lentement, le mécanisme se mit en place. 
 
Et d'abord la chance se mit avec lui. Il voulait disparaître civilement. Se liant d'amitié avec un clochard du nom de John Prescott, il le fit boire outre mesure ce qui était facile car l'autre ne résistait jamais à un verre de gnôle, de bière ou de whisky. Un soir le destin lui vint en aide. Ils étaient incognito à la ville voisine. Le poivrot titubait non loin de la voie ferrée. Et Donovan le suivait en se demandant comment faire ce qu'il avait en tête. Mais le train lui apporta la réponse. Prescott dans son ivrognerie ne l'entendit pas arriver. La puissante machine l'écrasa sans le voir. En un instant, Donovan réalisa qu'il avait la solution à portée de la main. Il fouilla le cadavre de son compagnon et échangea ses propres papiers avec ceux du mort. Les cow-boys qui vinrent pour porter secours ne purent que constater le décès de Michael T Donovan, ancien lieutenant de la cavalerie des Etats-Unis. La cérémonie fut rapide et on enterra donc le clochard sous le nom de Donovan. 
 
                                                                                 * 
 
La première partie du plan était réalisée. La seconde pouvait commencer. Donovan alias Prescott avait carrément décidé de voler la paye des soldats de cette partie de l'Ouest, qui arrivait de Memphis dans le Tennessee. La somme se montait à environ cent mille dollars, transportée dans une grande caisse de bois. L'escorte se composait d'une vingtaine de cavaliers, commandée par un lieutenant. La troupe passait par le même chemin pour des raisons de commodité. Et Donovan connaissait cette route. Mais comment voler la paye ? Pas question d'attaquer le convoi à lui seul. Il n'avait aucune chance contre tous ces hommes. 
 
Alors ? Alors, restait la ruse. Il avait repéré un certain endroit où campaient les soldats à trois jours de cheval de Tucson dans l'Arizona. Il se mit à échafauder un plan. 
 
Il commença par payer un jeune cow-boy de sa connaissance pour effectuer un étrange périple, passant par Ciudad-Juarez au Mexique. Là, il devait aller dans une "cantina " bien précise et demander une certaine Rosita Carmen Velasco. Celle-ci lui remit une lettre qu'il lut attentivement. L'homme repartit donc en direction des USA, en devant suivre un itinéraire bien défini pour repérer certains arbres bien précis. Il récupéra chaque fois un peu d'argent déposé par Donovan et une indication pour le repère suivant. De fil en aiguille, le jeune cow-boy s'enrichissait de quelques dollars. Arrivant à l'endroit où les soldats escortant la paye camperaient quelques jours plus tard, il trouva un nouvel indice, quelques dollars de plus et obliqua vers l'ouest. Caché dans les proches taillis, Donovan, le regardait faire. Le jeune cow-boy s'était aperçu que le cheval était ferré à l'envers mais n'avait rien dit. Les traces semblaient donc partir venir de l'ouest et aller vers le sud. 
 
Quelques minutes plus tard, l'ex lieutenant s'assurant qu'il n'y avait personne, s'approcha avec une mule sur laquelle reposait un tonneau contenant environ quarante litres de bière. Il le cacha dans les buissons à proximité de la piste, puis repartit en effaçant ses traces vers une montagne sise à environ un mile du campement prévu. Cette sierra était coupée en deux par un canyon rocheux qui mesurait environ deux miles et qui remontait vers le nord. Il laissa la mule dans le défilé de manière qu'elle ne soit pas vue de la piste. Il y avait à côté un magnifique cheval noir, plusieurs grandes gourdes souples contenant de l'eau, des conserves et de grandes pièces de tissus rectangulaires. Ce matériel fut laissé en bas. Montant à pied sur le sommet, il s'allongea dans l'herbe, sortit une longue-vue et se mit à inspecter la piste. 
 
Au bout de deux heures vers le soir, il vit un poudroiement. Après quelques minutes, la patrouille escortant la paye arriva. Il descendit le plus vite qu'il put, enfourcha le cheval, gagna l'endroit où se trouvait le tonneau et le poussa sur la piste. Puis remontant à cheval et regagnant le canyon où reposait son matériel, il se cacha derrière un rocher et reprit sa lunette. 
 
Une demi-heure plus tard, la formation arriva. Donovan vit les cavaliers s'arrêter, aller vers le tonneau puis installer le camp. Quelques minutes plus tard, son cœur fit un bon de joie car il vit les soldats remplir leurs quarts avec la bière de la barrique. Ils avaient cru qu'un chariot l'avait perdu et avaient décidé de s'offrir une tournée sur le compte de la chance. C'était bien ce qu'avait prévu l'ex lieutenant. 
 
Au soir, Donovan examina en détail le campement à l'aide de sa lorgnette où aucun feu n'était allumé, ce qui était contraire à l'habitude de l'armée en temps de paix. Il chargea donc les gourdes d'eau, la nourriture, le tissu, un petit fanal discret, du whisky et du coton sur la mule. Il partit à pied en tirant l'animal par la bride et s'approcha le plus silencieusement possible du campement. Arrivant au camp, il vit les soldats allongés, les yeux fermés. Attachant la mule à un arbuste, il inspecta les hommes qui dormaient d'un sommeil lourd de la drogue versée dans la bière. Il n'avait pas perdu son temps chez le pharmacien de Pluum-Creek. 
 
Il commença à mettre à terre, les gourdes d'eau, la nourriture et le tissu. 
 
Rapidement, il trouva la clef de la caisse au cou du lieutenant. Il trancha la cordelette, monta sur le chariot et ouvrit la caisse en allumant le petit fanal. Les billets étaient bien là, entassés par liasses de 50 ou 100. Méthodiquement, il prit les coupures et les plaça dans sa longue veste qui comprenait de nombreuses poches. Il en mit aussi dans son pantalon, dans ses bottes et dans son chapeau en négligeant les pièces. Le tout avait pris cinq minutes. 
 
Sautant à terre, il alla aux chevaux sagement alignés et les descella. Il entassa les selles sur la mule et retourna au canyon. Là, dans un grand trou de la roche, il les y lança. Deux voyages furent nécessaires. Puis la partie la plus délicate commença. Donovan enleva avec beaucoup de précautions les bottes des soldats et les chargea sur la mule. Le sommeil des hommes était si lourd qu'ils ne se réveillèrent pas. Repartant vers le trou, les bottes y rejoignirent les selles. 
 
Puis, l'ex lieutenant retourna aux chevaux et les emmena vers la montagne. Il plaça sous la queue de chacun du coton imbibé de whisky et y mit le feu. Avec un grand hennissement, les chevaux partirent au grand galop dans le désert. Ce serait assurément plus difficile de lui courir après à pied et en chaussette. 
 
Sa mule subit le sort des chevaux. Il boucha le trou par des pierres de manière à ce que personne ne puisse trouver ce qu'il y avait entassé. Puis il écrivit une missive et revint vers le campement où le papier fut accroché bien en vue sur le chariot. Allant à pied vers le défilé pour effacer les traces, il arriva au canyon où l'attendait son cheval sur lequel il monta. L'animal était reposé et Donovan n'avait pas à craindre une perte de temps. À la sortie nord du défilé, il accéléra l'allure. Dès que le jour arriva, ce fut le galop pour remonter vers le plateau du Colorado. 
 
                                                                                   * 
 
Le soleil était déjà haut quand le lieutenant James B Cartwright ouvrit les yeux avec difficulté. Tout de suite il sut qu'il y avait un problème car la clé autour du cou avait disparu. L'officier se leva et vit immédiatement que la caisse contenant l'argent était vide. Il comprit vite que la bière était droguée car les hommes se levaient péniblement. Il remarqua un papier et le prit. Les termes étaient les suivants : 
 
Messieurs, 
 
Pour des raisons évidentes, je ne me présenterai pas. Je vous ai emprunté quelques billets pour mes menus frais ! Ne cherchez pas vos bottes, elles sont bien cachées. Ce sera plus difficile pour marcher, ainsi vous me laisserez un peu d'avance. C'est pour cette même raison que j'ai rendu la liberté à vos chevaux. Je vous laisse de l'eau et de la nourriture qui ne sont pas droguées et de grandes pièces de tissus sous lesquelles vous pourrez vous abriter du soleil. Vous gardez vos armes. Ne vous inquiétez pas, du secours vous arrivera de Tucson d'ici quatre jours. 
 
Je vous salue, Messieurs, et vous souhaite bonne chance. 
 
Votre très dévoué : 
 
Anonyme ! 
 
De rage l'officier jeta le papier à terre. Son sergent lui fit signe de venir voir quelque chose. 
 
- J'arrive. 
 
Marchant avec difficulté, il alla voir le sous-officier. 
 
- Oui, sergent. 
 
- Regardez, Sir, la piste d'un cavalier, elle part vers la frontière mexicaine; 
 
- C'est logique. Et nous ne pouvons rien faire ! cracha l'officier. 
 
Il s'assit à terre et se mit à réfléchir. Les hommes organisaient le camp, ils firent  
du feu et tendirent les tissus. Le lieutenant ne trouva rien à faire. Pas question de partir à pied par cette chaleur, sans chevaux et en chaussette. Le salaud, pensa-t-il, avait bien monté son coup. Nous sommes à deux jours de cheval de Tucson. Si le commandant de la garnison réagit vite, les secours seront ici dans quatre jours. Le voleur sera loin au Mexique à ce moment là. 
 
                                                                              * 
 
Comme l'avait prévu Donovan, le commandant de la garnison de Tucson ne voyant pas arriver la paye avait immédiatement envoyé une patrouille de secours. Mais il avait fallu le délai escompté plus deux jours pour revenir à Tucson. Le temps d'organiser les recherches, les militaires n'étaient pas partis avant le septième jour après le vol. Et tous, sur la foi de la fausse piste laissée par le jeune cow-boy, s'étaient lancé vers la frontière mexicaine. 
 
Là, il avait fallu parlementer avec les Mexicains. Ceux-ci n'aimant pas les Américains, firent traîner les choses en longueur. Ils jurèrent leurs grands dieux qu'ils mettraient tous leurs policiers à contribution pour rechercher le voleur. Un Yankee arrivant au Mexique ne passait pas inaperçu. Voire… 
 
                                                                              * 
 
Sept jours plus tard, Donovan avait atteint son but. En pleine campagne se trouvait devant lui la ligne de chemin de fer Los Angeles-Chicago, par Albuquerque, Santa-Fe et Kansas-City. La pente obligeait le train à ralentir. Ses poches étaient toujours bourrées de billets. A la tombée du jour, le sifflement caractéristique de la locomotive se fit entendre et l'express apparut. L'ex lieutenant laissa passer le train, puis au moment où le dernier wagon était à sa hauteur, il courut derrière et s'accrocha à l'échelle métallique qui pendait à l'arrière. Donovan s'assit à califourchon sur le butoir. Avec de la corde, il avait fabriqué une sorte de baudrier duquel pendaient quatre crochets. Il les fixa à l'échelle et ainsi tenu, ses mains étaient libres pour prendre de la nourriture dans son sac à dos ou de l'eau à la gourde suspendue sur le côté. La nuit arriva et bientôt l'ex lieutenant se mit à sommeiller. Dans quatre jours, ce serait Kansas-City si tout allait bien. 
 
                                                                             * 
 
Et tout alla bien. Chaque soir, quand le train s'arrêtait, l'ex officier descendait discrètement de son perchoir improvisé pour acheter à manger et à boire. Donovan arriva enfin à Kansas-City à presque deux mille kilomètres de son forfait et onze jours après. On ne pouvait imaginer qu'une personne qui avait cent mille dollars sur elle voyageait clandestinement. Descendant et jetant son harnais, il sortit de son sac à dos un élégant petit sac de voyage et y mit un peu d'argent. Il alla à une banque et y déposa vingt mille dollars contre un chèque. Il acheta à manger et retourna à la gare. Donovan repéra le train en partance pour Chicago et se glissa cette fois sous le wagon où les ferrures firent un lit acceptable. Un peu plus tard, le train s'ébranla. 
 

 
Deux jours plus tard Donovan arrivait à Chicago. Là, il sortit de la gare, se cacha, mit une paire de fausses lunettes et alla dans un magasin de vêtements pour acheter une veste, un pantalon, un chapeau et des bottes qui le rendraient méconnaissable. A la sortie du magasin, un clochard récupéra ses vieux habits. Ensuite, il alla dans plusieurs banques et changea son argent contre des chèques et garda deux mille dollars pour son voyage. Il retourna à la gare et prit un billet pour New-York afin d'y arriver trois jours plus tard. Là, il embarqua sur un cargo pour Jacksonville en Floride. Le voyage devait durer quarante-huit heures. Ce fut donc dix-huit jours après le vol qu'il débarqua dans cette jolie ville de Floride. 
 
- J'ai gagné, je peux mener la grande vie maintenant. 
 
L'ex officier alla directement dans plusieurs banques et ouvrit des comptes pour déposer ses chèques. Achetant des obligations, dans le pire des cas le rapport serait de cinq mille dollars par an, ce qui représentait le prix d'une belle propriété. Puis il alla dans le meilleur hôtel de la ville afin de louer une chambre pour quinze jours. Il put enfin prendre un bain, changer de linge, faire un vrai repas et dormir dans un bon lit. La vie s'ouvrait devant lui. Quelques jours après son arrivée, il vit une maison en vente. Obtenant un bon prix d'achat, il emménagea une semaine plus tard et la fit meubler avec soin. Elle se composait d'une cuisine, d'une salle à manger, d'un salon, d'un fumoir, d'une bibliothèque, d'un bureau et de quatre chambres. Donovan fit venir du champagne français, du whisky écossais et du rhum de la Martinique. Sa chambre avait une fenêtre sur l'océan. Il acheta bientôt un petit cotre pour aller à la pêche ainsi que des armes de chasse. Il s'inscrivit au club de tir de la ville. L'ex lieutenant vivait sous le nom du clochard John Prescott. 
 
                                                                             * 
 
Six mois plus tard, un matin, Donovan se leva assez tard. Il avait prévu de partir chasser dans l'après-midi. Il ouvrit sa fenêtre et regarda longuement l'océan. Il fit sa toilette, s'habilla et descendit prendre son petit déjeuner. Il avait à peine fini, qu'on frappa à la porte. Il alla ouvrir et se trouva devant un homme austère qui le toisa. Derrière lui, se tenaient cinq policiers en uniforme. 
 
- Monsieur John Prescott ? 
 
- Oui. 
 
- Je suis le marshall Peter Davies. Au nom de la loi, je vous arrête. Vous êtes inculpé de vol d'argent, de vol de matériel militaire et d'usurpation d'identité. Vous avez le droit de garder le silence et de prendre un avocat. A partir de maintenant, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous. 
 

 
Le procès fut bref. Il avoua tout, car il ne pouvait faire autrement. La condamnation se monta à quarante-deux ans de prison car aux Etats-Unis les peines sont cumulables. Mais lui qui avait brouillé toutes les pistes, lancé les poursuites vers le sud alors qu'il partait vers le nord, voyagé clandestinement, changé d'apparence, comment avait-il était rejoint ? Qu'est-ce-qui n'avait pas marché ? Il avait pourtant agit rapidement. Que s'était-il passé ? 
 
Il avait juste oublié qu'aussi rapide qu'il fut, il ne pouvait aller plus vite que le 
télégraphe. Dès que la garnison de Tucson fut au courant du vol, elle avait averti par ce moyen celle de Memphis. Avant le départ, on avait relevé les numéros des billets et à l'aide du télégraphe, toutes les banques du pays avaient été averties. Lorsqu'il débarqua à Chicago, la nouvelle venait de tomber. L'adjoint du shérif le manqua de quelques minutes, lorsqu'il porta la liste des numéros. Mais les banquiers ont l'œil. Dans une salle en arrière guichet, un employé avait vite retrouvé les coupures. Il ne fut pas difficile d'obtenir le nom et le signalement de l'individu suspecté. Toujours par les banques, on avait retrouvé tous les individus dont le nom était celui supposé. Après élimination des homonymes qui ne correspondaient pas à la description, il ne restait plus que Donovan. La police fit venir des employés des banques de Chicago pour l'identifier à son insu. Et ce fut ainsi que le marshall vint l'arrêter. 
 
                                                                             * 
 
Donovan fut gracié en 1903. Il sortit de prison complètement usé et aigri. Quelques jours plus tard les frères Wright s'envolaient à bord du premier avion, donnant un nouvel élan au progrès technique. Ce progrès qui l'avait perdu. C'est en effet grâce à cette invention d'Edward Morse qu'on avait pu l'attraper. Ce fameux télégraphe électrique, installé par les Blancs dans la grande prairie et que les Indiens, étonnés, avaient baptisé d'un nom très poétique, "le fil qui chante ".