Seuls, au milieu de la mer
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© CARINE
L'avion volait à vive allure dans le ciel, laissant derrière lui une trace de son passage. L'appareil qui transportait des collégiens français zigzaguait au-dessus de la mer, évitant ainsi les éclairs qui déchiraient le ciel. 
 
 
À l'intérieur, quatre classes d'environ vingt élèves dormaient profondément. Ils revenaient d'un voyage en Afrique, organisé par leur collège. Après avoir vécu un excitant safari, ils retournaient fatigués chez eux. 
 
 
Laura ouvrit les paupières et jeta un coup d'œil au hublot qui se trouvait tout près d'elle. Son regard d'un bleu marin reflétait un élan de peur ; au dehors, la pluie ruisselait sur le hublot et le tonnerre grondait. C'était sa première tempête. La nuit noire l'empêchait de voir ce qui se passait. Les autres étaient-ils au courant de l'orage qui se déchaînait ? À la lueur d'un éclair, elle put observer la Méditerranée que l'avion survolait. Les vagues apparaissaient sans fin, toujours plus grandes les unes que les autres. 
 
 
Ne sachant que faire, elle revêtit un gilet de sauvetage, présent dans les appareils qui traversent ou volent au-dessus des mers. Elle sentit alors l'avion se pencher dangereusement du côté droit. Mais le pilote réussit à le rétablir. 
 
 
- Ouf, pensa l'adolescente, heureusement que le Capitaine est qualifié ! 
 
 
Se calmant peu à peu mais ne pouvant dormir, la jeune fille continua à regarder l'extérieur. L'avion perdait petit à petit de l'altitude. 
 
 
Puis, alors qu'elle pensait que tout était fini, la foudre toucha l'avion et entailla profondément son aile droite. Le choc plus violent que les autres finit par réveiller toute la classe et déclencher une énorme panique. Les professeurs, eux aussi, ne savaient comment réagir. 
 
 
Un torrent d'émotion l'envahit. Elle se dit : " Concentre-toi, ne te laisse pas démonter. " 
 
 
L'avion allait bientôt affronter l'eau, et si elle ne réagissait pas tout de suite, elle périrait noyée. Se levant de son siège, elle se précipita vers la porte, se tenant prête à sortir de l'appareil le moment venu. Voyant son initiative, tout le monde, hurlant et se bousculant, tentait de rejoindre le Sas. Une secousse la fit tomber. Après un petit étourdissement, elle se rendit compte que son visage était chaud et gluant, elle saignait. La jeune fille sentit alors qu'on lui marchait dessus. Un garçon qu'elle ne connaissait pas, ouvrit grand l'issue et fut aspiré au-dehors. Heureusement, ce fut le seul. Les autres enfants réussirent à s'agripper aux sièges. Les boîtes en bois qui contenaient la nourriture et l'eau tombèrent de l'avion juste avant que celui-ci ne sombre au beau milieu de la Méditerranée. 
 
Rassemblant ses forces, Laura parvint à se relever et à dégager les caisses restantes. Alors que l'eau rentrait d'un seul coup dans l'avion, elle fit un plongeon magistral et se raccrocha à l'une d'entre elles ; or, à ce moment même, une explosion retentit et l'avion après avoir dressé sa dérive vers le ciel, coula dans la mer agitée. 
 
Pendant un certain temps, Laura, assise et cramponnée à une caisse, parvint à passer à travers les vagues. Elle tremblait non seulement de froid, mais aussi d'épouvante. Les éclairs se succédaient sans le moindre répit autour d'elle. 
 
Des heures passèrent, les flots devenant de moins en moins grands. Enfin, la nuit s'éclaircit, faisant place aux premières lueurs de l'aube. 
 
Les bras croisés contre sa poitrine, Laura se recroquevillait sur elle-même. La bouche écumante, les paupières collées par le sel de la mer, elle s'enlisait dans l'angoisse et le désespoir. Elle ne voyait rien autour d'elle, absorbée dans des pensées lugubres. Alors qu'elle perdait tout espoir, une voix se fit entendre : 
 
- Laura ! 
 
Sur le coup, il n'y prit pas garde. Elle devait avoir eu, inconsciemment, le désir de parler à quelqu'un, et s'était tout bonnement imaginé les paroles prononcées. 
 
- Laura ! 
 
Surprise, elle se retourna et à travers ses yeux collés aperçut Nicolas, un garçon d'une forte corpulence, assis comme elle sur une caisse, et qui essayait d'en attraper une seconde, qui voguait dans la mer devenue calme. Retrouvant peu à peu une vision normale, elle distingua Amandine qui ne cessait de pleurer, regardant autour d'elle. Amandine, une véritable peste, qui se trouvait la plus jolie de sa classe et qui faisait toujours onduler sa belle chevelure blonde avait, elle aussi, réussi à s'en sortir. Du moins pour l'instant ! 
 
Un peu plus loin, elle vit une masse de cheveux noirs. 
 
- Aidez-moi, aidez-moi, je ne sais pas nager. 
 
Ballottée tel un fétu de paille, une jeune fille se débattait contre les flots qui voulaient l'engloutir. Sa figure reflétait une grosse terreur mais bizarrement elle n'avait pas de gilet de sauvetage. Comment avait-elle pu survivre pendant la nuit? 
 
Par moments, l'inconnue tendait les bras vers celui qui s'efforçait de la sauver. 
 
Laura reconnut Tom. Elle se réjouit de le voir avec eux, non seulement parce que ses beaux yeux verts et sa chevelure rousse la troublaient mais aussi parce qu'elle le considérait comme le meilleur de la classe et que tous les problèmes seraient résolus grâce à lui. 
 
Ils se rapprochèrent les uns des autres, nageant à côté de leur caisse en les poussant pour les faire avancer. Se voir ensemble, leur donnait un grand espoir. Peut-être qu'à eux tous, ils arriveraient à s'en sortir. Ils décidèrent de former un radeau. Non seulement une embarcation leur permettrait de se mouvoir plus facilement mais aussi sans doute les repèrerait-on davantage ainsi. Ils trouvèrent ici et là quelques morceaux de bois rejetés par leur appareil. Pour la plupart des caisses cassées. Continuant leur travail, ils entassèrent leurs trouvailles, et, au bout de quelques heures, tous furent surpris de la quantité de bois qu'ils avaient ainsi ramassé. 
 
Une planche particulièrement grande et solide - Laura se demandait d'où elle sortait - devint la charpente de leur minuscule bateau. Alors qu'ils la consolidaient de toutes les manières possibles, Laura comprit tout à coup qu'ils étaient les seuls survivants. Elle fut si bouleversée qu'elle s'arrêta quelques minutes avant de reprendre son travail. Il fallait se ressaisir, être forte. Elle prit d'autres bouts de bois et entreprit de boucher les trous. 
 
Nicolas s'occupait des caisses. Toutes étaient fermées par des cordes. Il essaya pendant un certain temps de les dénouer, mais en vain. Tom, voyant ses difficultés, lui tendit son canif. Nicolas le remercia et, après avoir coupé les cordes, attacha toutes les caisses entre elles autour de la charpente. 
 
Tom, aidée d'Amandine construisait un petit mât avec un bois un peu plus rond que les autres. Pour la voile, ils se servirent de la chemise du jeune homme. Ils attachèrent ensuite leur création à une caisse qu'ils avaient pris soin de fixer au milieu du radeau. 
 
Quand ils eurent terminé leur œuvre, les adolescents constatèrent que leur embarcation pouvait convenir par beaux temps, mais qu'arriverait-il si une tempête recommençait ? 
 
- Eh ! Ben ! Il a une drôle d'allure, ce radeau, remarqua Laura. 
 
- Normal, plaisanta Tom. C'est un radeau fait maison ! 
 
Tous sourirent à cette blague. Un peu plus tard, ils trouvèrent de quoi manger dans leurs caisses. Huit sandwichs, accompagnés de quelques pommes et d'une bouteille d'eau, le tout protégé d'un sac étanche, se trouvaient dans chacune d'elles et ne paraissaient pas avoir été touchés. 
 
L'angoisse qui les avait quittés pendant la construction du radeau les saisit à nouveau. Tous se demandaient la même chose : jusqu'à quand tiendraient-ils avec les vivres ? Les secours arriveraient-ils à temps ? 
 
Ce fut Tom qui eut, en premier, le courage d'entamer la conversation : 
 
- Vous savez, les vivres ne seront pas éternelles. Il faudrait essayer de pêcher, proposa-t-il. 
 
- Mais, comment ? rétorqua Amandine. 
 
Laura contempla la mer, l'eau était si claire qu'elle aperçut une bande de poissons minuscules et scintillants qui se déplaçaient par saccades. La jeune fille examina longuement l'eau, puis se décidant, elle ôta son gilet de sauvetage, et sauta dans la mer, tout habillée. À sa grande surprise, la température n'était pas glaciale. L'adolescente plongea et nagea sous l'eau les yeux ouverts. Les poissons qu'elle avait vus s'éloignaient peu à peu. Quelques algues apparaissaient plus bas, mais elle se rendit compte qu'elle ne pouvait les attraper, car elles étaient beaucoup trop loin. Revenant à l'air libre, elle lança un puissant jet d'eau et remarqua que tous ses camarades, à l'exception de Nicolas et de Sandra, l'inconnue, se trouvaient eux aussi dans la mer. Les jeunes gens se regardèrent d'un air déçu. 
 
- Les poissons sont partis, soupira Laura. 
 
Comme la nuit se mettait à tomber, ils remontèrent sur le radeau et commencèrent leur sandwich. Un long et pesant silence s'imposa. Chacun réfléchissait. Sandra, décidant de détendre un peu l'atmosphère, récita un poème : 
 
" Le printemps, la mer scintille 
Elle nous berce tendrement 
Comme une gentille maman 
Avec sa petite fille. " 

 
Les autres la gratifièrent d'un sourire. C'était sûrement la mer calme qui avait inspiré la jeune fille. Ils la félicitèrent chaudement puis, leur repas terminé, ils s'endormirent. 
 
Laura se réveilla en sursaut. Tom, penché au-dessus d'elle, la secouait violement. 
 
- Laura, Laura ! 
 
- Qu'y a -t-il ? demanda l'adolescente, effrayée par le visage blême du garçon. 
 
- Nicolas a disparu ! 
 
Amandine, en pleurs, serrait fort un mouchoir qu'elle avait sorti de sa poche. Sandra appelait Nicolas, maintenant ses mains devant sa bouche comme un porte-voix. Tom et Laura, beaucoup plus pessimistes, scrutèrent les fonds marins. Le soleil inondait de ses rayons la mer gigantesque mais ils ne trouvèrent pas le corps de leur ami. 
 
Au bout d'un moment, une seule solution s'offrit à eux. 
 
- Nicolas s'est volatilisé ! s'écria Laura. 
 
- Impossible ! contesta Sandra, on ne peut pas disparaître comme ça ! 
 
- Et pourtant ! dit Tom. 
 
- Il est sans doute tombé à l'eau en dormant ! suggéra Amandine. 
 
- Il faudrait peut-être se tenir la main quand on dort, au cas où ! pensa tout haut Laura. 
 
- Oui ! Bonne idée ! répondirent les autres à l'unisson. 
 
Tous se concertèrent et conclurent qu'ils devaient à tout prix s'éloigner de là et chercher, soit une terre, soit un navire. 
 
Quoique tristes par la perte de leur ami, ils ramèrent grâce à quatre morceaux de bois. Mais ils eurent beau chercher, aucun bateau n'apparaissait et la terre se trouvait trop éloignée pour qu'ils puissent l'atteindre. Tous s'inquiétaient, peut-être ne retrouveraient-ils jamais leur famille, leur maison…. Périraient-ils noyés, mourraient-ils de faim ou seraient-ils un jour sauvés ? 
 
Pour que le bateau avance plus vite, Tom eut alors une idée : il pénétra dans l'eau et le poussa tout en nageant. Mais il s'aperçut vite qu'il le retenait plus qu'autre chose. Dépité, il retourna sur le radeau. 
 
Aucun vent ne soufflait, et comme cette journée promettait d'être interminable, il soupira : " Les sauveteurs ont-ils reçu le signalement de notre disparition ? se demanda-t-il. Oui sans doute ! Peut-être ont-ils cru qu'aucun survivant n'a pu s'en sortir ? ". Ces questions le tourmentèrent jusqu'au soir. 
 
La nuit vint lentement, et à la joie de ses camarades, Sandra continua sa poésie : 
 
" L'été remplit toutes les plages, 
Il n'y a pas un seul nuage, 
Et dans la mer ensoleillée 
Les vagues se mettent à briller. " 

 
Les autres lui sourirent poliment, comme la journée précédente. 
 
 
En se couchant, aux alentours de minuit d'après la montre de Tom, tous s'interrogeaient, se tenant fermement la main : 
 
" Personne ne peut disparaître comme cela ! " 
 
" C'est peut-être quelqu'un d'entre nous qui a balancé Nicolas à l'eau ! " 
 
" Il ne peut pas être tombé ! Il n'était pas du tout bête ! " 
 
" Ah la la ! On ne reverra jamais Nicolas ! " 
 
 
 
Le lendemain, ce fut Laura qui se réveilla la première. D'un geste machinal, elle sourit à la lumière du jour mais sa bonne humeur s'effaça vite lorsqu'elle vit que Tom manquait. Tout d'abord, elle crut qu'il était parti nager pour attraper quelques poissons, mais elle eut beau l'appeler, de concert avec ses camarades qui s'étaient réveillés, il ne répondit pas. 
 
- Tom est le plus intelligent de la classe, réfléchit Amandine. 
 
- Il n'a pas pu tomber du bateau, on se tenait la main, renchérit Sandra. 
 
- Peut-être l'a-t-on poussé à l'eau ! s'exclama Amandine consternée. 
 
- Voyons, ne dis pas de bêtise, je ne vois pas l'une d'entre nous pousser Tom à la mer ! la corrigea Sandra. 
 
Laura ne sut que répondre. Les autres filles cachaient-elles leur jeu ou bien était-ce elle qui perdait-elle la raison ? 
 
" L'une de nous trois, pensait-elle, l'une de nous trois…Non, impossible, il est tombé pendant son sommeil. " 
 
Il ne restait donc que trois adolescentes. Laura voyait nettement qu'Amandine et Sandra croyaient, elles aussi, à la théorie d'un meurtre. Pourquoi donc ? Peut-être que l'une d'entre elles voulait avoir plus de vivres ? Pourtant, tout ceci était invraisemblable. Il y avait sûrement une autre explication. 
 
Les trois élèves s'épiaient mutuellement, restant toujours sur leur garde, mais conservant une apparence calme et sereine. Intérieurement c'était tout autre chose : 
 
" Et maintenant ? qui ? Laquelle ? " 
 
" Je deviens folle ! Vraiment folle ! Nicolas qui disparaît et à présent Tom ! Impossible ! Pourquoi ? " 
 
" Pourquoi ai-je atterri ici ? Franchement, je n'aurais pas pu rester tranquillement chez moi avec mes parents et mon chien ? " 
 
Sandra interrompit leurs réflexions en ajoutant quelques vers à sa poésie : 
 
" Fini le soleil et l'été 
L'automne arrive tout bien crotté. 
Le vent, la pluie et les tempêtes 
Sortent du fond des oubliettes. " 
 

 
D'un coup le temps changea. Le ciel s'assombrit et une tempête arriva, semblable à celle qui avait fait sombrer leur avion dans la Méditerranée. Les caisses remuaient violement mais elle restaient solidement attachées au radeau. La mer, soulevée par le vent, grossissait à chaque instant, et menaçait de retourner le radeau. 
 
Des vagues recouvraient parfois les jeunes filles qui se maintenaient comme elles pouvaient à leur petite embarcation. Le vent faisait claquer la chemise de Tom qu'il prenait pour une voile, et la pluie trempait les pauvres adolescentes mortes de peur. Les flots se déchaînaient contre elles. L'horizon n'annonçait aucun signe de répit, la mer semblait confondue avec le ciel. 
 
 
Soudain, une vague plus haute que les autres retourna le radeau. Prises de panique, les jeunes filles essayèrent tant bien que mal de le redresser. N'y arrivant pas, elles se hissèrent difficilement dessus. Elles n'y restèrent pas longtemps, le radeau fut à nouveau submergé par une grosse vague qui le remit à l'endroit projetant une nouvelle fois les jeunes filles dans l'eau. Le radeau n'était plus qu'un jouet au gré des vagues et les adolescentes y remontaient chaque fois qu'elles en tombaient. Elles profitaient du moindre moment de répit pour reprendre espoir en dépit de la mer agitée. 
 
 
Un long moment après, la tempête cessa. Les jeunes filles épuisées s'écroulèrent sur le radeau. 
 
 
 
Le lendemain matin Laura ouvrit les yeux. C'était le quatrième jour depuis le naufrage qu'elle voguait en pleine mer. Elle était heureuse d'être toujours en vie. Qu'en était-il des autres ? Elle les chercha des yeux et s'aperçut qu'Amandine manquait. N'était-elle pas remontée sur l'embarcation après la tempête ? Pourtant, il lui semblait l'avoir vue ? Ou alors, c'était comme Nicolas et Tom ? D'un même mouvement, les deux dernières survivantes reculèrent et s'écrièrent: 
 
 
- Où est-elle passée ? 
 
 
Surprises de leur propre réaction, les adolescentes se reprirent et, sans bouger, se dirent : 
 
 
- Ce n'est pas possible ! hurla Laura. 
 
 
- Du calme, la consola Sandra. 
 
 
- Je pense que je deviens folle ! Je m'imagine toute une histoire alors que ce n'est sûrement rien. 
 
 
- Non ! C'est obligatoirement grave ! L'explication doit être simple : Nicolas a dû tomber du radeau en dormant, Tom a dû me lâcher pendant son sommeil et Amandine a été prise par la tempête, expliqua Sandra. 
 
 
Laura ne la croyait pas, elle se demandait si ce n'était pas Sandra qui avait poussé ses amis par-dessus bord. Alors qu'elle réfléchissait sur le moyen de s'enfuir, elle entendit un bruit sourd, celui d'un avion. 
 
 
Elle agita aussitôt les bras, sautillant sur place au risque de retourner le radeau. Malheureusement, le pilote ne les vit pas et continua sa route. Laura se rassit et pleura de désespoir. Elle savait bien qu'elle ne pouvait s'échapper car survivre hors du radeau n'était pas réalisable. Puis, elle comprit qu'il ne servait à rien de s'apitoyer sur son sort, et qu'il fallait surmonter ses peurs, ses angoisses et l'attente. 
 
 
Lorsque vint midi, les deux jeunes filles s'aperçurent qu'elles n'avaient plus de nourriture. Les vivres semblaient avoir disparu lors de la tempête. Laura surveillait sa compagne d'un air accusateur tant et si bien que la jeune fille le remarqua et d'un air innocent lui demanda : 
 
 
- Pourquoi me regardes-tu de cette façon ? 
 
 
- Oh, non ! Je réfléchissais, voilà tout. Je me demandais comment nous allons survivre sans manger. 
 
 
Leurs regards s'étaient croisés. Cette fois, Laura n'en doutait plus. C'était bien Sandra, cette inconnue qui allait la tuer, si un orage ou le manque de nourriture ne le faisait pas à sa place. 
 
 
" Comment n'ai-je pas pu m'en apercevoir ? Comment se fait-il que je n'ai pas regardé assez bien son visage ? pensait-elle. Un loup… Voilà ce qu'elle est ! Ses yeux noirs sont attirés vers moi comme si j'étais une proie… " 
 
 
La journée passa rapidement. Quand la lune apparut, Sandra termina son poème : 
 
" L'hiver, la mer se déchaîne 
Terrible comme une reine 
Ses flots écumant de rage 
Se jettent sur le rivage. " 

 
Laura avait fini par tout comprendre. Chaque fois que Sandra ajoutait une strophe à sa poésie, quelqu'un disparaissait. La jeune fille se coucha, tout en gardant les yeux ouverts. Il ne fallait pas qu'elle dorme, elle devait pouvoir se défendre si Sandra l'attaquait. Elle ferma les yeux, les ouvrit précipitamment. Elle ne succomberait pas au sommeil, elle en avait décidé ainsi. Peu à peu, elle céda à la fatigue et s'endormit. 
 
Une main lui toucha alors le bras et elle cria à s'en déchirer les tympans. 
 
- Oh ! Laura, réveille-toi c'est moi, maman. 
 
La jeune fille s'étira longuement. Il faisait grand jour, et elle se trouvait sur la petite plage de Saint-Cyr sur Mer. Allongée sur sa serviette rouge, elle s'était assoupie au soleil. " Les 10 petits nègres " d'Agatha Christie reposait sur le sable à côté d 'elle. 
 
- C'est l'heure de partir, lui dit sa mère. 
 
Alors qu'elle se dirigeait vers la voiture, elle entendit une voix qui lui était étrangement familière : 
 
" Le printemps, la mer scintille 
Elle nous berce tendrement 
….. " 

 
Stupéfaite, Laura se retourna. Une fille qui ressemblait en tous points à Sandra récitait la poésie de son rêve. 
 
Mais était-ce un rêve ou la réalité ?