Le retour du Minotaure
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© Jean-François COUBAU
- Fait chaud, hein ! 
Pablo, bon paysan de Galice, ouvrit une bouche avec plus de chicots que de dents et essaya de faire son meilleur sourire devant le touriste anglais, qui maîtrisait assez bien le Castillan. 
- Si, si, senor ! 
D'un pas chancelant, le sujet de Sa Très Gracieuse Majesté, s'éloigna. La chaleur était accablante et il voulut tirer un mouchoir de sa poche pour s'essuyer. L'homme ne devait jamais finir son geste. Le cœur lâcha et il tomba pour ne plus se relever. Le thermomètre marquait 55 ° ! 
 
 
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Dans le nord de l'Angleterre, la température montait en flèche depuis plusieurs jours. Elle atteignait 44°, chose inhabituelle sous ces latitudes. Et la météo annonçait 50 ° pour le lendemain. Bien sûr, tout le monde pensait au dérèglement climatique, mais les experts restaient sans voix. Depuis quatre jours, quelque chose ne fonctionnait plus. L'augmentation brusque et prodigieuse du thermomètre commençait à affoler l'opinion. 
 
 
                                                                                * 
 
 
Au nord du cercle polaire, de la passerelle du brise-glace " Yamal ", le commandant Gortchkov regarda stupéfait ce qu'il y avait devant lui. Précisément, c'était la mer libre. D'accord, on était en plein été, mais il y aurait dû avoir la banquise.  
- Où sont donc les glaces ?  
Se précipitant vers la radio, il annonça au monde la disparition de la banquise ! 
 
 
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Dans un salon privé du bâtiment de l'O.N.U. le Secrétaire Général parcourait une synthèse des rapports arrivant de tous les pays du monde. Tous faisaient état de l'augmentation anormale des températures. Quelques collaborateurs triés sur le volet, l'observaient. Toute la lassitude du monde semblait se lire sur leurs visages.  
- C'est inconcevable, dit le Secrétaire. Même les pays de l'hémisphère sud font état de l'augmentation imprévue de la température. On est pourtant en hiver là-bas. La glace du Pôle Sud se met à fondre ! 
Une des femmes, une colombienne du nom d'Isabella Cruz, hasarda une question : 
- Nous avons examiné toutes les hypothèses, possibles et imaginables, même les plus folles, comme un changement d'orbite de la Terre, nous rapprochant du soleil. Or les astronomes sont formels, l'orbite n'a pas bougé, enfin pas plus que d'habitude. De plus, le soleil n'a pas augmenté de volume, ni son activité. Donc, l'hypothèse spatiale n'est pas en cause. 
- Merci Isabella, répondit le Secrétaire. Nous savons aussi que la température de l'eau augmente anormalement. Les experts se perdent en conjecture sur les causes.  
Personne ne répondit, car malgré leur position élevée, ces femmes et ces hommes étaient tributaires de rapports auxquels ils ne comprenaient pas grand-chose et établis par des " crânes d'œufs ". 
- Bon, dit le Secrétaire Général, je dois m'entretenir à présent avec les Président des Etats-Unis, il a parait-il, une communication urgente à me faire. Il va entrer et vous pourrez rester et l'écouter, je pense que nous en saurons un peu plus. 
Quelques instants plus tard, le Président états-unien entra, d'un pas lourd. Il s'assit à l'invitation du Secrétaire. D'une voix sourde, il commença à parler : 
- Voilà, monsieur le Secrétaire Général, j'ai sollicité une entrevue pour vous parler du problème de la surchauffe climatique actuelle. 
- Je vous écoute. 
Le Président prit un temps et lâcha : 
- Nous avons perdu le contrôle de la station HAARP !  
- Je ne sais pas ce que c'est. 
- Cela signifie " High Frequency Active Auroral Research Program". Nous avons un programme américain à la fois scientifique et militaire de recherche sur l'ionosphère. Ses activités dépendent de la base aérienne de Kirtland en Alaska et sont financées conjointement par l'armée de l'air et la marine des États-Unis, ses activités scientifiques étant gérées par l'Université de l'Alaska. 
- Quel est le rapport avec la canicule ? 
Baissant la tête, l'homme d'état reprit difficilement : 
- Cette installation a pour objectif d'étudier les propriétés de l'ionosphère. elle permet dobserver comment les perturbations de cette couche de la haute atmosphère par les orages magnétiques, affectent les communications radio mondiales, les systèmes de navigation par satellite ainsi que les réseaux de transport d'électricité sur de longues distances. Le problème . . .  
- Le problème ? 
- C'est que sa capacité d'influencer l'ionosphère est beaucoup plus importante qu'admise officiellement. Les antennes permettent de faire des recherches pour pouvoir modifier le climat, interrompre toute forme de communication hertzienne, détruire ou détourner avions et missiles transcontinentaux et finalement, influencer les comportements humains, tout cela via des actions sur l'ionosphère. En fait, l'objectif de la recherche de HAARP est la manipulation mentale à distance. Ce qui permet à l'Armée, non seulement d'altérer le processus de penser, mais aussi de savoir ce que pensent les gens ! 
Devant cet épouvantable aveu, le Secrétaire Général resta de marbre, malgré la colère qui montait en lui. 
- J'ose dire que ce type de comportement n'est pas très " démocratique " ! 
Dans la bouche d'un homme d'une telle importance, cela signifiait " vous êtes des monstres ". Il enchaîna : 
- J'espère que vous n'avez jamais utilisé cette arme ! 
Le Président accusa le coup et dit : 
- Hélas, un de mes prédécesseurs en a fait usage. C'était en 2003, contre la France. Une canicule exceptionnelle s'est abattue sur ce pays et aurait tué 15 000 personnes, principalement du troisième âge. 
- Pourquoi avez-vous fait ceci ? 
- Pour " punir " la France de n'avoir pas participé à l'invasion de l'Irak en mars 2003 ! 
Le Secrétaire Général prit un temps, ferma les yeux et lâcha, dégoûté : 
- Vous vous en expliquerez devant la communauté internationale le temps venu et celle-ci en tirera les conclusions qu'il faut. Maintenant, nous devons résoudre le problème actuel. Que se passe-t-il en Alaska ?  
- Depuis cinq jours, cette station émet à pleine puissance et dérègle la météo.  
- Sait-on qui provoque cette anomalie ? 
- Nous avons reçu un message radio à la Maison-Blanche, il est signé du Minotaure ! 
- Bon sang, on le croyait disparu après son attaque sur les logiciels de contrôle de satellites, il y a quelques mois. 
- Eh bien, non, il n'avait fait que se cacher.  
- J'imagine que vous avez tenté quelque chose, tout de même. 
- Oui, nous avons envoyé la Delta-Force, notre unité anti-terroriste sur place. 
- Et alors ? 
- Nous avons perdu le contact avec elle. Nous avons donc carrément envoyé un bataillon du 75 ème régiment de Rangers, pour le même résultat. 
- Ce n'est pas possible !  
- Nos experts sont à peu près certains que les systèmes ont bien influencé l'esprit des combattants, qui ont dû déposer les armes, à peine au contact avec l'ennemi ! 
- Vos hommes en arrivant ont perdu leur volonté d'accomplir la mission car l'idée leur en avait été ôtée de l'esprit, c'est ça ? Une espèce d'amnésie, en somme ? À cause des ces maudites antennes ! 
- On peut le dire comme ça. 
- Ce qui fait que l'option militaire est désormais exclue ? 
- En effet.  
Le Secrétaire Général soupira. Les hommes, songea-t-il sont très fort pour déclencher des catastrophe. Il reprit la parole : 
- Vous n'envisagez quand même pas d'envoyer un missile à tête nucléaire sur la base, j'espère ? 
- Non, bien sûr. Les techniciens travaillant là-bas doivent être protégés, ainsi que les soldats prisonniers. Mais nous pourrions quand même envoyer des robots de combat télé pilotés et . . .  
- NOOOOOOON !  
Tous les regards se tournèrent vers la femme qui avait crié. Le président, surpris lui demanda : 
- Qui êtes-vous, madame ? 
- Je m'appelle Mathilde Brenier, je suis française et conseillère du Secrétaire Général. Je connaissais une personne âgée qui est morte en 2003 à cause de cette maudite canicule ! Et c'est vous qui l'avez tuée . . .  
Ne pouvant se retenir, elle cracha à la face du Président qui ne broncha pas, puis elle sorti en courant. 
- Puisse Dieu vous pardonner d'avoir fait une chose pareille, envoya durement le Secrétaire Général à la face du Président états-unien. Maintenant, il nous faut trouver la solution. Si on pouvait enter en contact radio avec le Minotaure, je lui demanderai ce qu'il veut. Enfin, ça n'a pas de sens de s'en prendre à l'Humanité entière. Que veut ce Minotaure ? De l'argent ? Des avancées politiques ?  
- Le problème, c'est que nous ne pouvons enter en contact radio, car les installations peuvent aussi brouiller les ondes. Depuis quatre jours, rien ne passe.  
- Il ne reste plus qu'à aller sur place ! 
- Vous risquez de subir le même sort que nos soldats, à savoir, perdre les idées, même si c'est d'une manière temporaire. 
- Peut-il nous influencer ici ?  
- Non, les antennes ne sont par encore opérationnelles pour ceci. Mais un tel projet existait.  
- J'espère que vous allez annuler ceci désormais. 
- Oui, soyez certains que ce sera fait.  
- Et maintenant que proposez-vous pour le Minotaure ? 
- Infiltrer à pied des agents de la C.I.A., les faire passer pour des techniciens de la base, repérer le Minotaure et l'éliminer.  
- J'imagine que l'opération est déjà en cours. 
- Bien entendu. Elle se nomme " Endeavour ". 
 
                                                                                    * 
 
 
Le défi pour les deux agents de la C.I.A, Van Diem et Kilkpatrick, était de pénétrer sur la base de Kirtland. Bien entendu, ils étaient déguisés en militaire, avec de vrais-faux badges. En principe, à l'intérieur de l'établissement, ils ne risquaient plus rien. On avait donc imaginé de les faire enter par les égouts. Une équipe de sapeurs les avait guidé, en faisant sauter tous les obstacles, le plus " silencieusement possible ". C'était plus intelligent que l'arrivée de la " Delta-Force " ou des Rangers, débarqués respectivement par héliportage et poser d'assaut. La disparition inquiétante de ces hommes d'élite était une autre énigme à résoudre. Mais le principal problème était d'identifier le Minotaure et de le " neutraliser ". 
- On ne va pas s'en sortir, pensa Van Diem. On ne sait même pas à quoi il ressemble. 
Arrivés dans un sous-sol, les hommes qui les appuyaient devaient rester là et attendre des nouvelles des deux agents.  
- On y va, dit Van Diem. 
Sans un mot de trop, ils sortirent de la pièce et se mêlèrent aux membres de la base. En apparence, tout allait bien, sauf que . . . 
- Tu as vu leurs regards ? interrogea Kilkpatrick. 
Il semblait en effet que tous les gens rencontrés avaient les yeux vides de toutes expression.  
- On les a drogué, c'est certain, répondit Van Diem. 
- Il n'est pas possible de droguer tout le monde. Je pense que ces maudites ondes les ont influencés à distance. 
- Mais comment déclencher le processus qui était certainement sous surveillance ?  
- C'est ce qu'il va falloir découvrir. À ton avis, où doit-on se placer pour s'assurer que tout fonctionne bien. Dans le bureau du général commandant la base ? 
- Certainement pas. Plutôt dans la salle de contrôle. Il y en a une et nous avons suffisamment étudié le plan pour pouvoir y aller. 
Les deux agents devaient faire attention de ne pas parler trop fort et d'avoir l'air le plus naturel possible. Leurs badges leur donnaient accès à tous les secteurs de la base, y compris les laboratoires les plus secrets. Ils se présentèrent donc à l'entrée de ceux-ci et y pénétrèrent sans difficulté.  
- J'ai l'impression que pour repérer notre oiseau, il faudra observer les visages, dit Van Diem. Si l'un n'a pas l'air atone, ce sera lui. 
- Ca veut dire quoi, " l'air atone " ? Et si on se trompe de cible ? On porte des fleurs à la famille ? 
L'agent Van Diem ne répondit car il réfléchissait à la conduite à tenir. Il devait y avoir un moment où le Minotaure relâchait son attention. Il devait bien manger ou dormir ! On ne pouvait imaginer que ce soit un robot. Les experts en psychiatrie avaient décrété que ceci était tellement illogique, que ça ne pouvait venir du cerveau d'une seule et même personne et non un groupe terroriste classique. 
- Et s'ils se sont trompés ? pensa Kilkpatrick. S'ils sont plusieurs ? Enfin on verra bien. 
Le profil de leur mission ne correspondait en rien à ce qu'ils avaient connu jusqu'à présent. D'habitude, ils devaient suivre un plan avec, à chaque étape, des options bien définies, ne laissant place à aucun hasard. Ici, il fallait improviser et les deux compagnons n'aimaient pas çà. Prenant à part son compère, Van Diem dit : 
- À mon avis, notre homme doit se trouver dans une pièce où doivent enter et sortir pas mal de gens. Il va donc falloir la repérer. On va marcher dans les couloirs, et voir un peu le mouvement. 
Après deux heures de " planque ", les agents s'étaient aperçus qu'une certaine porte s'ouvrait et se fermait plus souvent que les autres. D'un coup d'œil, ils se comprirent. D'un pas assurés, ils ouvrirent la porte et furent étonnés. Il y avait une seule personne qui leur tournait le dos. D'un geste rapide, ils sortirent leur " Mini-Uzi ", et les armèrent. Le cliquetis de la culasse fit retourner la personne. 
- Oh, mon dieu ! s'écria Van Diem.  
Le personnage portait un masque que les deux agents supposèrent être celui d'un minotaure. En même temps, ils pressèrent les queues de détentes. À cette distance, les balles de 9 mm " parabellum " ne laissaient habituellement aucune chance. Et pourtant . . .  
- Mais c'est le diable, cet homme-là. 
Le Minotaure n'avait pas bronché, seulement vacillé sous l'impact. Levant le bras, il lâcha une grenade assourdissant qui prit les deux hommes de court. En même temps, il passa entre eux et avec une rapidité prodigieuse, sortit de la pièce. Le temps que les deux hommes reprennent leurs esprits le Minotaure avait disparu. 
 
 
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Rapport confidentiel du directeur de la C.I.A. pour le Président des Etats-Unis. 
 
Monsieur le Président, 
Lors de l'opération " Endeavour ", nos hommes ont approché le Minotaure. Au risque d'être trivial, je dirai que c'est un homme tout à fait normal. Il semble de disposer d'appareil de haute technologie, tels des gilets pare-balles, inspirés des toiles d'araignées, dont la structure moléculaire reproduit à notre échelle, la solidité de la matière générée par ces arthropodes. Nos recherches ne sont que préliminaires dans ce domaine, mais cet homme dispose d'une avance non négligeable, qui lui a permis de résister aux balles de nos agents.  
Nous en savons un peu plus sur son mode opératoire, qui est simplement l'hypnose. Il semble avoir un don au-dessus de la moyenne. Les savants et autres techniciens, ainsi que les soldats de la " Delta-Force " et du 75 ème Rangers ont tous été retrouvé sains et saufs.  
En fait, il est entré dans la base en hypnotisant les gardes, puis tour à tour, le personnel. Il est même capable de transformer les hypnotisés en hypnotiseurs à ses ordres, ce qui multiplie son efficacité. Ensuite, en donnant ses ordres, il a transformé la station HAARP en énorme machine à augmenter la température sur toute la surface de la Terre. On pourrait comparer ceci à l'intérieur d'un four micro-onde gigantesque. Toutes trace de vie aurait alors disparue. 
Nos agents n'ont eu aucune difficulté pour l'approcher avec un peu de déduction. Cet homme, génial au niveau scientifique, ne sait pas s'entourer du minimum de précaution. Ce n'est donc pas un terroriste professionnel comme on en connaît, de par le monde.  
Pour l'instant, les motivations de ses actes nous échappent. Le Minotaure a réussi à s'échapper et il est à craindre qu'il ne repasse à l'action. Le problème, c'est que le prochain mode opératoire n'est absolument pas prévisible.  
En conclusion, nous recommandons le démantèlement de la station HAARP, les mauvaises utilisations de ces installations peuvent échapper à notre contrôle. 
Le Président reposa le papier sur son bureau. Il se souvint de cet été 2003. Ouvrant un tiroir, il saisit un pistolet de calibre 6.35 et le porta à sa tempe.