- Ça y est, ça va être l'heure, se dit Gérard Minert.
Tout en appuyant sur le bouton de la radio, il s'installa confortablement dans le salon, un verre de Perrier à la main. La journée de travail terminée, il se détendait en général de cette façon. Mais aujourd'hui, il y avait quelque chose de particulier. On allait parler de lui ! Et immédiatement, le chroniqueur attaqua :
- Cheeeeeerrrrrrrs auditeurs, bonjour ! Voici maintenant notre séquence poésie. J'accueille ici monsieur Pierre Chénard, célèbre critique de poésie. Monsieur Chénard, bonjour. Que nous proposez-vous ce soir ?
- Alors, j'ai entre les mains un recueil de poèmes, écrit par un jeune poète de vingt-huit ans, monsieur Gérard Minert.
Dans son salon, le susnommé frétilla d'impatience. Après avoir présenté le poète en quelques mots, le critique dit :
- Nous avons là, un poète hors du commun. Je pense qu'un jour ses poèmes seront appris par les élèves.
-Tant que ça ? répondit le journaliste.
- Oui, on trouve dans l'œuvre de Gérard, une profondeur intellectuelle peu commune. Et là, je ne résiste pas au plaisir de vous lire un de ses poèmes, le dernier de son livret qui en compte treize.
Et le critique commença :
- Tes yeux de braise
- Merveille du monde
- Je t'ai rencontré
- Près du lac de montagne
- Une nuit dans le ciel
- Je t'ai tout donné
- Toi, la déesse du monde
- Le cosmos est à nous
- Ton sourire
- Comme un enfant
- Tu me fais plaisir
- Je t'aimerai toujours
Et sur ces dernières paroles, il ajouta :
- Voilà un des plus beaux poèmes jamais écrit !
Puis, sur quelques informations relatives au livre, on passa " au reste de l'actualité ".
Dans son salon, Gérard était médusé. Il attrapa le téléphone et composa fiévreusement le numéro de portable du critique. À peine ce dernier eut-il entendu la voix de son interlocuteur qu'il s'écria :
- Ah, Gérard, quelle chance de vous avoir en ligne. Je sors de la station de radio et j'ai fait l'éloge de votre recueil de poèmes.
- Je sais, mais . . .
- En particulier le dernier était AD-MI-RA-BLE !
- Euh, monsieur . . .
- Non, non, je le dis, celui-ci était un des plus beaux poèmes jamais écrit !
- Euh, monsieur . . .
- Si, si, n'ayons pas peur des mots, vous êtes digne de Victor Hugo ou de Baudelaire !
- Euh, monsieur . . .
- Un grand avenir littéraire vous attend !
- Euh, monsieur . . .
- Vous serez connu dans le monde entier !
- Euh, monsieur . . .
- Par contre, ce qui m'a étonné, c'est le titre. Pourquoi l'avoir appelé " Table " ?
- Euh, monsieur, c'était la table des matières !