Une image du passé
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© Jean-François COUBAU
 - Ouf, on est enfin arrivé. 
 
Et Hervé posa lourdement son sac sur la petite terrasse du bar du village. Autour de lui, sa femme Anne, et un couple d'amis, Laurence et Bernard, firent de même. 
 
Tous s'assirent sur les chaises et quelques instants plus tard, la barmaid arriva. 
 
- Eh bien, c'était une belle randonnée, dit Laurence, au moins quinze kilomètres. 
 
- Oui, environ, répondit Hervé. Je suis vanné, je n'ai plus l'habitude. 
 
- Allons, répondit malicieusement son épouse, une petite bière hollandaise dont je ne citerai pas le nom, te fera le plus grand bien. 
 
- Oh non merci, pas aujourd'hui, je me contenterai d'un lait fraise. 
 
Tout le monde se mit à rire devant sa mine fatiguée. Les commandes furent passées et les quatre amis admirèrent le paysage des montagnes de la Savoie. 
 
- Bon, lança Bernard d'un ton enjoué, quand recommençons-nous ? 
 
- Je dirai, commença Laurence... 
 
Elle n'acheva pas, car soudain elle se figea et son regard pointa dans une direction bien précise. Tous tournèrent la tête et furent stupéfait. 
 
- Non, mais, voyez-vous ça ? demanda Hervé. 
 
- Incroyable, lâcha Laurence. 
 
En effet, un couple s'avançait vers eux, mais quel couple ! 
 
- Je n'ai jamais vu ça. 
 
Effectivement, il y avait de quoi tiquer. Les deux personnes, dans la cinquantaine, étaient vêtues comme au dix-neuvième siècle. Mais ce n'était pas pour aller à un bal costumé. C'était visiblement leurs vêtements de travail. Lui, portait un chapeau de feutre, une veste de velours, sur une chemise identique, des pantalons de toiles et de grosses chaussures. Avec une pioche sur l'épaule, il aurait pu servir de modèle au " Papet " de Marcel Pagnol, dans " Jean de Florette ". 
 
- Et là, regardez la femme, souffla Anne. 
 
De ce fait, celle-ci était habillée avec une longue robe qui descendait jusqu'à des sabots ! Un fichu sur les épaules et la tête coiffée d'un bonnet de coton blanc, elle tenait une fourche en bois. Tous deux s'avançaient vers le bar, le plus naturellement du monde. 
 
- Incroyable, murmura Laurence. Etre vêtus comme ça en 2010, c'est ahurissant. 
 
- J'imagine une chose, dit Hervé. 
- Laquelle ? interrogea Anne. 
- Envisageons la situation suivante. Ils viennent directement du dix-neuvième siècle, car ils il y a eu une rupture du continuum spatio-temporel. Il s'est produit une faille, ils ont franchi plus de cent ans en une seconde et ont changé d'époque, sans le vouloir. 
 
- Hum, fit Bernard, c'est une séduisante hypothèse de science-fiction. Le voyage dans le temps, un bon sujet de film ou de livre. 
 
- C'est Hervé qui a raison, dit Laurence rêveusement. Ils arrivent tout droit du passé. Ils vont s'étonner que le monde ait tant changé. On va les prendre en charge, les savants vont essayer de reproduire le phénomène. À partir de là, on va peut-être y arriver et communiquer avec le passé ou le futur. 
 
- Ce serait une avancée scientifique extraordinaire, lança Anne. À côté de ça, le débarquement sur la Lune serait relégué à un jeu de boy-scout ! 
 
Fascinés par cet échange, les quatre amis regardaient le couple venir vers eux. Déjà, Laurence se levait pour aller leur parler. 
 
- Et si j'étais la première à interroger ces gens venus du passé ? se demanda-t-elle. 
 
Soudain, un petit bruit bizarre se fit entendre. C'était une sonnerie mélodieuse. Et le charme fut rompu, car le couple s'arrêta et la femme tirant de sa poche un portable, l'approcha de son oreille !