Le jeune cadet
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© Jean-François COUBAU
- Allons messieurs, il est l’heure de la récréation ! 
 
Sans un cri, les cadets de l’école militaire royale de Brienne-le-Château s’égaillèrent dans le grand pré, où les jeunes gens allaient se détendre entre deux cours. Les années d’études étaient difficiles, mais le roi Louis XVI voulait donner à ses armées les meilleurs élèves. Et si les professeurs, vieux briscards de la « guerre en dentelle », exigeaient de bons résultats sur le plan intellectuel, ils en demandaient autant pour les disciplines purement militaires, telles la stratégie, la tactique, le tir et l’intendance. Et par ordre du Roi, il ne devait pas y avoir de différence entre élèves payants et boursiers. 
 
- Allez, dit soudain l’un d’entre eux, divisons-nous en deux camps et faisons une bataille de boules de neige ! 
 
Une formidable ovation lui répondit et les élèves-officiers se séparèrent en deux groupes et commencèrent à se lancer des boules de neige, sous l’œil bienveillant des professeurs. Les boules commencèrent à pleuvoir, un peu au hasard et les rires fusèrent, çà et là. 
 
- Par ici, cria l’un des élèves. 
 
Pendant que son « camp » bombardait copieusement l’autre, ce petit cadet tint un conciliabule avec quelques-uns de ses camarades. Les surveillants, intrigués, se demandèrent la cause de cet aparté. Dès qu’il fut fini, les protagonistes se dispersèrent dans la cour. 
 
- Mais pourquoi, font-ils ça ? demanda un des professeurs. Quelle curieuse manière de jouer. 
 
Un autre enseignant hocha la tête et répondit : 
- Pas si bizarre que ça, regardez bien. 
 
Pendant ce temps, le petit cadet avait divisé ses « troupes », en plusieurs groupes. Se faufilant entres les arbres, et convergeant vers le camp adverse, les amis du jeune homme encerclèrent promptement leurs adversaires qui reçurent une volée de boule de neige dont ils se souvinrent longtemps. Et les professeurs de lâcher : 
 
- Incroyable ! 
- Vous avez vu la manœuvre ? 
- Quel sens tactique ! 
- Excellente stratégie, très bon déploiement. 
- Il faut le féliciter. 
 
Immédiatement, ils dévalèrent l’escalier et arrivèrent dans la cour, où déjà, les élèves se rangeaient en bon ordre. 
 
- Il faut l’appeler, dit un des professeurs. 
 
Un surveillant fit signe au jeune cadet d’approcher. Celui-ci arriva, la tête un peu basse, croyant à un manquement à la discipline. Mais le sourire des enseignants lui rendit l’espoir. 
 
- Bravo, monsieur, lui dit l’un d’entre eux, votre sens tactique est excellent. Je vous félicite pour la manœuvre. 
- En effet, enchaîna un autre, votre idée d’attirer l’attention sur un groupe pour distraire l’adversaire, puis le faire encercler par la réserve est brillante. 
- Vous avez bien su profiter du terrain. 
- Votre déclenchement du feu fut lancé au bon moment. Continuez comme ça, et vous deviendrez un des meilleurs officiers de l’armée française. Au fait, quel est votre nom, monsieur ? 
 
Et le jeune homme de répondre tête baissée : 
- Napoléon Buonaparte !